Depuis que le Mali a basculé dans un coma
profond, frappé par la résurgence d'une rébellion touarègue et par un
coup d'État militaire, la seule interrogation qui vaille semble être
celle de savoir quand l'intervention militaire ouest-africaine ou
internationale aura lieu. La Communauté économique des États de
l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) est-elle capable de déployer une force ?
Avec quel mandat ? Bénéficiera-t-elle des renseignements militaires et
de l'appui aérien de la France et des États-Unis, présents et actifs à
des degrés différents dans la bande sahélo-saharienne ? Sera-t-elle
acceptée par le voisin algérien ?
Dès lors que les groupes armés islamistes
adossés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont expulsé les rebelles
touaregs indépendantistes des villes du Nord, les derniers doutes sur
l'opportunité d'une réponse militaire se sont envolés chez nombre
d'acteurs et d'observateurs. Avec qui peut-on encore envisager de
négocier, demande-t-on à ceux qui appellent à une approche politique ?
Avec des djihadistes qui veulent imposer leur vision de ce que devrait
être la vie d'un bon musulman ? Avec des preneurs d'otages,
d'authentiques terroristes ou des trafiquants de drogue ?
Devant le choc légitime de nombre de
Maliens face aux souffrances de leurs compatriotes des régions de Gao,
Tombouctou, Kidal ; face à l'hébétude de beaucoup de voisins d'Afrique
de l'Ouest découvrant que la menace islamiste est à leur porte ; devant
les craintes des pays occidentaux, en particulier européens, de
l'apparition d'un "nouvel Afghanistan" à distance de chameau de leurs
capitales, il est difficile d'identifier les réponses possibles à la
crise.
La question à se poser aujourd'hui n'est
pas celle de savoir si une action militaire contre les groupes armés est
inévitable ou non. Il faut examiner tous les symptômes présentés par le
patient malien, saisir la complexité des rapports des différentes
communautés originaires du Nord, entre elles, et entre elles et celles
du Sud, et appréhender les intérêts des pays voisins. Lorsqu'on fait ce
travail, les certitudes sont rares. Sauf peut-être celle qui consiste à
estimer que l'usage de la force ne peut être qu'une option
complémentaire à une approche politique mais ne saurait être "la
solution".
Les acteurs de la crise sont eux-mêmes incapables d'anticiper les conséquences de leurs initiatives. Le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), qui a déclenché la rébellion, s'est fait déborder par une force islamiste qu'il a dans un premier temps négligée. Ansar Eddine, le groupe dirigé par Iyad Ag Ghali, ancien rebelle touareg de Kidal qui avait voulu prendre la tête du MNLA au moment de sa création, s'est prestement allié aux chefs d'Aqmi, majoritairement algériens. Le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), que nul ne connaissait encore il y a quelques mois, a fait son lit à Gao et affirme, par son recrutement à la fois multiethnique, local et multinational, une ambition politico-religieuse moins "étrangère" que sa maison mère, Aqmi.
Les acteurs de la crise sont eux-mêmes incapables d'anticiper les conséquences de leurs initiatives. Le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), qui a déclenché la rébellion, s'est fait déborder par une force islamiste qu'il a dans un premier temps négligée. Ansar Eddine, le groupe dirigé par Iyad Ag Ghali, ancien rebelle touareg de Kidal qui avait voulu prendre la tête du MNLA au moment de sa création, s'est prestement allié aux chefs d'Aqmi, majoritairement algériens. Le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), que nul ne connaissait encore il y a quelques mois, a fait son lit à Gao et affirme, par son recrutement à la fois multiethnique, local et multinational, une ambition politico-religieuse moins "étrangère" que sa maison mère, Aqmi.
Tous ces mouvements ont prospéré sur le
terreau fertile des trafics transsahariens, du business des rançons
payées pour récupérer des otages occidentaux et de l'aubaine provoquée
par le chaos en Libye, pourvoyeuse de nouvelles armes. De leur côté, les
putschistes emmenés par le capitaine Amadou Haya Sanogo n'ont fait
qu'aider les groupes rebelles à parachever leur conquête du Nord en
mettant l'État à terre.
C'est cet État qu'il faut impérativement
remettre sur pied. Dès lors qu'un gouvernement représentatif des
principales forces politiques et sociales aura été mis en place, les
acteurs régionaux et internationaux devront afficher un soutien clair à
l'État malien à travers la reprise de l'aide extérieure, l'assistance à
la protection des institutions de transition et des mesures immédiates
en faveur de la restructuration de l'armée. Il faut éviter à tout prix
une mobilisation des jeunes dans des milices communautaires supplétives à
une armée désorganisée. Emprunter cette voie, ce serait ouvrir une
boîte de Pandore de laquelle s'échapperaient de nouveaux monstres qui
enterreraient pour longtemps les espoirs de paix au Mali et dans
l'ensemble de la région.Jeune Afrique | 20 Août 2012