Le
programme de travail commence à prendre forme. Il est vaste et plutôt effrayant. Les générations actuelles d’Africaines et
d’Africains doivent s’assurer que ce qui a déjà commencé à changer en bien depuis une vingtaine d’années sur les plans politique, économique, culturel et social, continue à changer et à un rythme accéléré.
Elles doivent aussi et surtout faire
bouger ce qui ne change pas ou qui se meut tellement lentement que les effets
n’en seront perceptibles que dans un siècle. Voici venu le moment de secouer le
tronc du cocotier et, s’il le faut, d’en extirper les racines pourries plutôt que de se limiter aux feuilles rabougries
et aux noix desséchées, signes extérieurs d’une mort lente.
Seulement
voilà : qui sont, dans chacun des pays ouest-africains,
les femmes et les hommes aujourd’hui capables de s’attaquer collectivement à ce chantier ébouriffant ? Pourquoi prendraient-ils
des risques individuels importants, y compris physiques, pour révolutionner des systèmes et des fonctionnements injustes et
pervers qui font le bonheur au quotidien de milliers de familles politiquement
et financièrement
puissantes ?
Dans les pays africains comme partout ailleurs, il n’y a que
très peu de chances pour que les personnes
issues des catégories
les plus pauvres aient le temps, l’énergie et les capacités de mobilisation indispensables à l’organisation d’actions collectives
d’envergure afin d’obtenir des changements radicaux et durables. L’intensité des liens familiaux, claniques, ethniques,
religieux, couplée
à la concentration de la pauvreté et de la marginalisation dans les zones
rurales et périphériques, rend cette perspective particulièrement peu probable en Afrique de l’Ouest.
Pour
qu’elle ait une chance de réussite, la dynamique de changement exige
l’engagement de groupes de femmes et d’hommes qui peuvent se permettre de prendre
le temps de rechercher des informations, de lire, de naviguer sur Internet, de
communiquer par téléphone et par courriers électroniques, d’organiser des réunions, d’établir des plans d’action et des budgets,
de mobiliser de l’argent, de diviser les tâches, d’élaborer des stratégies, de contourner les obstacles et les pièges, et de faire tous ces efforts dans le
cadre d’actions qui ne soient pas individuellement lucratives.
Seules les personnes qui mangent très bien et dont les dépendants mangent aussi à leur faim, celles qui ont les moyens de
faire face à
des dépenses de santé imprévues et n’ont aucune raison de penser que
ce confort relatif peut être remis en cause à tout moment, sont capables de s’aventurer
dans des actions collectives autres que ponctuelles pour « changer le système » radicalement et durablement dans leur
pays.
Ce
sont donc bien des personnes des milieux sociaux relativement privilégiés qui peuvent insuffler une dynamique de
changement systémique
dans les sociétés africaines allant au-delà de révolutions et de ruptures politiques sans
lendemain. Ces Africains appartenant aux classes privilégiées n’ont individuellement pas d’intérêt personnel à le faire parce que les systèmes existants les favorisent outrageusement
dès lors qu’elles veulent bien s’y intégrer.
Et parce qu’elles peuvent toujours,
compte tenu de leurs diplômes, de leur savoir-faire réel ou supposé, de leur carnet d’adresses, de leur niveau
d’information élevé sur les opportunités existantes dans leur pays et à l’étranger, échapper au système, à ses compromissions et à l’inconfort moral qu’il génère chez les plus scrupuleux.
Si
vous trouvez en effet que dans votre pays, l’engagement politique partisan signifie
l’adhésion à un club de corrompus, si vous estimez que
l’accès à un poste important dans l’administration
publique ou dans une entreprise publique équivaut à l’intrusion dans un monde de requins obsédés par l’enrichissement le plus rapide
possible et que vous avez un problème avec cela, si vous avez de bonnes raisons de
croire que vos compétences,
votre ardeur au travail, votre excitation à l’idée d’apporter quelque chose à votre pays ne vous rapporteront même pas reconnaissance et admiration de vos
collègues et de la société, alors votre décision rationnelle consistera à rechercher un emploi au sein des représentations locales des organisations
internationales gouvernementales ou non gouvernementales, au sein de grandes
entreprises privées
à capitaux étrangers, ou à vous installer à l’étranger, là où vous pourrez gagner votre vie
confortablement sans devoir tremper dans des malversations ou observer
quotidiennement avec dégoût le dépérissement moral de votre société.
L’enjeu
d’un investissement aujourd’hui dans des actions collectives en vue d’une
rupture dans le fonctionnement des pays africains, ce sont les conditions
politiques, économiques,
sociales et culturelles dans lesquelles vivront les centaines de millions d’Africains
en 2030, 2050 et 2060. De la même manière que ce qui a été fait, et surtout ce qui n’a pas été fait, par les élites dans chacun des pays entre 1960 et
1980 a largement déterminé les conditions dans lesquelles les
Africains vivaient en 2010, ce que les élites vieillissantes actuelles ont fait
depuis les années
1990 et ce que celles qui sont en train de les remplacer progressivement vont
faire ou ne pas faire dans les années à venir façonnera l’Afrique subsaharienne de 2030 et
de 2050.
Lorsque
je parle d’élites
ici, je n’ai pas en tête les seules élites politiques, administratives,
économiques et intellectuelles mais toutes les personnes qui dans chacun des
pays de la région
sont capables d’exercer une influence particulièrement forte sur l’évolution politique, économique, culturelle, idéologique de la société à laquelle
elles appartiennent, quelles
que soient les sources de cette influence. Je n’aime pas particulièrement cette
catégorisation de la société distinguant « les élites » et « les
autres » mais le fait est qu’elle existe, en Afrique comme partout
ailleurs.
Les
élites en formation qui ont une trentaine ou
une quarantaine d’années en 2014 ont trois décennies devant elles pour changer
la trajectoire de leurs pays respectifs. Elles seront collectivement comptables
du grand bond en avant, de la stagnation ou du grand saut en arrière que chacun des pays aura fait d’ici là. La question qu’il me semble nécessaire de se poser alors est de savoir si
le simple renouvellement naturel des élites suffira à garantir un meilleur avenir pour les
centaines de millions d’enfants et d’adolescents d’Afrique subsaharienne
d’aujourd’hui.
Presque partout, n’en déplaise aux élites qui font tout pour s’accrocher le
plus longtemps possible à leurs positions politiques, administratives, économiques, traditionnelles et même religieuses, le renouvellement se fera. Nous
finissons tous par mourir. Nous finirons tous par mourir. Même ceux qui se
prennent pour des demi-dieux.
Les
nouvelles élites
auront en moyenne un niveau d’éducation et de formation supérieur à celui de leurs prédécesseurs. Elles seront également en moyenne plus informées et ouvertes sur le reste du monde, ayant
souvent étudié en partie à l’étranger ou en tout cas voyagé et ayant grandi avec l’ordinateur, l’Internet
et le téléphone mobile. Mais quelles valeurs
porteront-elles ? Seront-elles plus ou moins sensibles à l’intérêt général que les générations précédentes ? Seront-elles plus préoccupées que ces dernières par le décrochage économique, éducatif voire sanitaire de millions de
leurs compatriotes piégés loin des grandes villes dynamiques ou dans
les périphéries urbaines aux allures de
bidonvilles ?
La
réponse n’est pas évidente. Les jeunes élites actuelles et celles qui sont en cours
de formation sont très
majoritairement les enfants des élites retraitées ou vieillissantes. Les enfants des élites les plus aisées ont généralement reçu une éducation supérieure dans les universités et grandes écoles d’Europe, d’Amérique et plus rarement d’Asie ou du
Moyen-Orient. Une partie significative de ces Africains finit par faire carrière dans les pays étrangers où ils ont été formés ou dans d’autres en fonction des
opportunités
qui se présentent
à eux. Il s’agit d’une perte incommensurable
de ressources humaines qualifiées pour tous les pays africains.
Le
mouvement ne fait que s’accélérer avec la mondialisation et malgré les barrières à l’immigration qui n’affectent que modérément les enfants des élites riches. Une autre partie de ces
jeunes formés
à l’étranger reviennent dans leur pays d’origine
pour s’intégrer
dans le cercle des élites
locales, généralement dans le secteur privé, des organisations internationales
intergouvernementales ou non gouvernementales, plus rarement, beaucoup plus
rarement, dans l’administration publique et les entreprises et agences
publiques.
Les
enfants des élites
qui disposent de moyens financiers plus limités que ceux du premier cercle font généralement leurs études supérieures dans les meilleures institutions disponibles
dans leur pays, dans les pays voisins, ou un peu plus loin en Afrique du Nord,
Maroc et Tunisie notamment. Parce qu’ils conservent un lien régulier avec leur pays et leurs réseaux, ces jeunes, une fois diplômés, peuvent
rejoindre aisément
les cercles des nouvelles élites politiques, administratives et économiques locales. Qu’ils soient issus de
familles riches ou juste aisées, ils ont dans tous les cas été moulés dans l’éducation morale reçue de leurs parents et dans celle qui
transpire de leur environnement social.
Il
n’y a pas de déterminisme
en la matière. Tous les enfants d’élites africaines corrompues et égoïstes ne sont pas de futures élites corrompues et égoïstes. Tous les enfants d’élites africaines intègres ne sont pas de futures élites intègres. Même si on peut penser que les premiers ont
en moyenne relativement plus de chances d’être corrompus que les seconds en raison des
valeurs et des principes transmis par les parents, ou de l’observation au
quotidien par les enfants du décalage entre les valeurs professées par leurs parents et les comportements
de ces derniers. On peut le penser mais on ne peut certes pas l’affirmer.
Le
vrai problème
se trouve au niveau des valeurs et des normes de comportement véhiculées par le tissu social. Tout observateur ouest-africain
de bonne foi le reconnaîtra : les valeurs de travail, d’empathie,
d’honnêteté et de refus de la violence dans la vie
publique ont été sérieusement battues en brèche par les gouvernants et ont été progressivement mais sûrement remplacées par l’adoration du « Dieu Argent » et par son corollaire, une morale qui veut
que la fin justifie tous les moyens. Dans
la phase critique parce que fondatrice de formation des Etats-nations africains
dans leurs frontières
actuelles, - les six dernières décennies pour beaucoup, les quatre dernières pour les anciennes colonies portugaises
-, ce sont les élites
les plus cupides qui se sont trop souvent imposées.
Il
n’y a hélas
aucune raison pour que l’arrivée de nouvelles élites suffise à régénérer les valeurs piétinées par leurs prédécesseurs, à assainir les pratiques qui gouvernent le
jeu politique, à
cesser de faire de certains cercles de pouvoir en Afrique des lieux de
distribution de mallettes bourrées de billets de banque à des courtisans et des mafieux impliqués
dans toutes sortes de trafics, à décentraliser les mécanismes de prise de décision, à refonder l’organisation et le
fonctionnement des administrations et des entreprises publiques pour en faire
des pôles de compétences guidés par l’exigence de résultats et la protection de l’intérêt public.
Le
système mis en place délibérément ou incidemment par la classe
dirigeante de la plupart des pays africains au cours des dernières décennies véhicule des incitations négatives qui continueront à assurer de manière automatique la victoire des élites avides de pouvoir et d’argent sur
celles qui ne sont pas allergiques au pouvoir et à l’argent mais aimeraient également contribuer au développement économique et social de leur pays et
permettre ainsi à
la descendance de leurs compatriotes qui ont eu moins de chances à la naissance de jouir d’une vie meilleure.
Ces
incitations créent
ce qu’on pourrait appeler un mécanisme de sélection négative. Si la principale
condition pour espérer
entrer dans le cercle des élites politiques gouvernantes est de déployer des moyens financiers astronomiques
impossibles à
réunir de manière licite dans le contexte d’économies peu productives, les candidats les
plus honnêtes seront systématiquement battus par ceux qui sont prêts à tout. Une fois leur victoire acquise, il
est logique que les gagnants travaillent d’abord, sinon exclusivement, à la reconstitution de leur fortune
personnelle et à
la récompense des forces qui les ont soutenues
dans l’ombre.
On
peut être cupide tout en étant travailleur et brillant. Un tel système peut générer de temps à autre des élites gouvernantes qui font progresser leur
pays dans quelques domaines. Mais il me semble incontestable que les règles actuelles de la compétition politique sur le continent ont
tendance à
sélectionner insidieusement au plus haut
niveau des Etats une trop grande proportion d’élites peu concernées par l’intérêt général.
Les autres, ces personnes qui croient
que les qualités
les plus importantes pour entrer dans le cercle des décideurs sont la compétence, l’ardeur au travail, le sens du
service public, finissent par comprendre qu’elles n’ont qu’une chance imitée de
survie dans un tel système. Elles n’ont alors que deux options : jeter aux
orties leurs convictions et faire ce qu’il faut pour se faire une place, ou
jeter l’éponge
et sortir du monde impitoyable de ceux qui tiennent les rênes de l’Etat.
La
force d’un tel système
est de donner des signaux suffisamment clairs pour décourager l’entrée des indésirables dans le jeu. Vous n’entrerez pas
dans une compétition
si vous êtes
convaincus dès
le départ que vous serez battus, voire écrabouillés. Nombre d’élites africaines compétentes et honnêtes aujourd’hui vieillissantes et retraitées ont renoncé à défier les systèmes en place après avoir été humiliées, rejetées, marginalisées au cours de leur carrière politique ou administrative. Rien ne
laisse penser que leurs enfants – et ceux des autres – n’ont pas déjà fait le choix rationnel de ne jamais essayer
de se frotter à tout ce qui concerne la politique et la gestion de l’Etat. Ou
celui d’enterrer des valeurs et des principes éthiques qui n’ont attiré que des ennuis à ceux qui ont voulu les porter.
Le
scénario le plus probable au cours des
prochaines décennies,
en l’absence d’un changement profond et visible dans les incitations enchâssées dans les fonctionnements actuels des
Etats ouest-africains, est celui d’une poursuite assidue d’une sélection négative des ressources humaines.
Les jeunes élites
les plus prometteuses de chacun des pays de la région auront de plus en plus
tendance à
préférer la vie et le travail à l’étranger, là où leurs elles peuvent faire valoir leurs
compétences tout en échappant aux pressions, sollicitations,
compromissions et menaces qui caractérisent l’environnement politique, économique, social et culturel de leur pays
d’origine.
Celles
qui choisiront de rester auront toujours davantage tendance à éviter les secteurs d’activité dans lesquels la compétence, la volonté de bien faire, le travail, la créativité et le respect d’une éthique minimale sont davantage des facteurs
de marginalisation et de stagnation que des garanties de réussite professionnelle. Beaucoup
continueront à
se réfugier dans les niches matériellement confortables des organisations
internationales, des agences de gestion de projets de développement directement financés par les partenaires étrangers et des quelques grandes
entreprises à
capitaux privés
étrangers.
Une petite partie de ces jeunes
Africaines et Africains réussira à pénétrer le cercle des élites économiques de leur pays en développant des activités innovantes dans le secteur privé, dans les rares domaines qui ne sont pas complètement
contrôlés par des clans solidement installés et protégés de la concurrence de nouveaux entrants
par leurs connexions politiques et leur maîtrise des pratiques corruptives.
Devrait-on
réellement s’inquiéter de ces perspectives ? Est-ce grave
si une proportion toujours plus importante des potentielles élites nouvelles et futures des pays
africains trouve le salut dans la carrière et la vie hors du continent ?
Est-ce grave si celles qui restent ou reviennent dans leur pays et entendent
compter sur leurs seules compétences pour gagner leur vie ont une lourde tendance
à ne jamais considérer une carrière dans le secteur public, et encore moins à s’engager sur le terrain politique décrété irrémédiablement
corrompu et dangereux ?
Oui, cela pose un sérieux
problème. Cela conduit à abandonner chaque jour encore plus le
contrôle du champ politique et administratif,
c’est-à-dire
les rênes des Etats, aux élites qui y viennent pour les mauvaises
raisons : se servir de leur appartenance au cercle des décideurs pour s’enrichir vite, considérablement et profiter de privilèges
extravagants.
C’est
un grave problème
pour les pays ouest-africains et africains en général, et plus précisément pour les couches les plus pauvres de
la population, parce que ce sont elles qui ont un besoin vital de services
publics fonctionnels et de politiques publiques réfléchies et efficaces. Si on abandonne le
contrôle politique et économique des Etats aux élites les plus individualistes et cupides,
même aux plus brillantes parmi elles, ils
connaîtront peut-être des phases de croissance économique remarquable mais il n’y aura
aucune chance d’y voir un développement humain partagé et de s’attendre à une réduction marquante des injustices sociales
qui empoisonnent déjà et empoisonneront encore davantage la vie
quotidienne de chacun et de tous dans les pays africains au cours des années et
décennies à venir.
Ce
serait une grave erreur pour les résidents des villes ouest-africaines qui sont encore
paisibles et plutôt
agréables à vivre, de penser qu’il en sera toujours
ainsi en l’absence de politiques visant précisément la préservation de cette tranquillité. L’Afrique urbaine qu’on aime, c’est celle
où l’on échange chaleureusement les salutations
matinales lorsqu’on croise des voisins dans le quartier, celle où on peut marcher sans crainte de se voir
agressé
dans son quartier et même à des kilomètres de celui-ci. C’est celle où on ne se sent pas obligé de verrouiller sa
maison à
triple tour dès
que l’on rentre le soir du travail, protégé par des gardes privés en uniforme armés de gourdins, ou pire, d’armes à feu. C’est
celle où
on n’a pas l’impression que des voisins aux revenus cinq, dix ou vingt fois
plus faibles que les siens vous veulent du mal, alors qu’ils pourraient avoir
des raisons d’être amers et agressifs.
Cette
Afrique-là
est menacée
là où elle existe encore. Rien n’autorise à penser que l’approfondissement continu et
accéléré du fossé matériel et intellectuel entre la minorité des élites et la masse de ceux qui stagnent et
dont les yeux luisent devant l’accumulation des signes extérieurs d’opulence ne s’accompagnera pas,
plus tôt
qu’on ne le pense, d’une radicalisation des rapports sociaux, d’une tension
permanente entre les classes sociales et d’un niveau de violence au quotidien qui
empoisonnera l’existence de tous.
Projetez les conséquences sécuritaires d’un
approfondissement des inégalités, et ajoutez-y tous les facteurs qui alimentent
déjà l’insécurité et l’instabilité en Afrique de l’Ouest, du terrorisme de Boko
Haram au legs préoccupant d’années de crise violente et d’impunité dans
plusieurs pays de la région, en passant par les activités des puissants réseaux
de criminalité organisée, et vous conviendrez avec moi que le pire est
peut-être à venir.
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